Budget 2018-2019: fausse bonne nouvelle pour les stagiaires

              Depuis 2014, c’est plus de 4 milliard$ qui ont été coupés dans les services publics comme la santé et l’éducation. Le gouvernement a donc le beau jeu de redistribuer des miettes à un groupe de stagiaires bien ciblé.

Division du mouvement étudiant

La mobilisation pour la rémunération de l’ensemble des stages, qui a débutée il y a deux ans et qui a donné place à plusieurs journées de grève cette année, n’est pas étrangère à l’annonce récente de la rémunération du quatrième stage en éducation. Au contraire, cette stratégie du gouvernement libéral vise essentiellement à diviser les étudiantes et les stagiaires. En effet, alors que la campagne de la CRAIES dure depuis 12 ans, ce n’est que tout récemment que le gouvernement ainsi que le milieu universitaire réagissent sur cet enjeu. À l’UQAM, il aura fallu des journées de grèves et un blocage du conseil d’administration pour que ce dernier entreprenne un processus de positionnement en faveur de la rémunération des stages.

En ce sens, accorder une compensation financière pour les stages finaux en enseignement à ce moment-ci n’est pas anodin. Il est même souhaitable pour le gouvernement de cibler un groupe stratégique afin de briser la mobilisation avant qu’elle ne prenne des proportions trop difficiles à contrôler. Le choix des stages finaux en enseignement est un incontournable, compte tenu de la place qu’occupe la campagne de la CRAIES dans le paysage médiatique depuis les derniers mois. D’ailleurs, rappelons que le gain obtenu n’est qu’une compensation financière, c’est-à-dire qu’il n’est pas question de reconnaître le travail que font les stagiaires (travail qui est aussi fait par plusieurs lors de leur stage 1, 2 ou 3). Une véritable reconnaissance du travail nécessite un salaire et rendrait inconcevable l’exclusion systématique des stagiaires du domaine des relations de travail. C’est pourquoi les membres de l’ADEESE ont adopté en assemblée générale la revendication d’un salaire pour tous les stagiaires; afin que cesse enfin le mépris!

Si cette mesure peut sembler une victoire pour les stagiaires en enseignement, il ne faut pas oublier nos collègues qui font leurs stages dans d’autres domaines traditionnellement féminins, que ce soit dans les services sociaux ou dans les arts. Illes ont des conditions de travail semblables aux nôtres et hiérarchiser les domaines méritant des stages payés dans le secteur public démontre un manque de solidarité injustifiable compte tenu des enjeux que nous partageons tous et toutes.

Il faut voir ce cadeau empoisonné, non pas comme un frein à notre mobilisation mais comme une reconnaissance du rapport de force que nous sommes en train de créer. C’est en s’unissant avec des futures infirmières, travailleuses sociales, sages-femmes et plusieurs autres professionnelles du secteur du « care » que nous avons bâti un mouvement uni, juste, cohérent et regroupant des enjeux qui regroupent autant les luttes féministes, des personnes racisées ainsi que de la reconnaissance des droits des travailleurs et travailleuses en milieu professionnel, collégial et universitaire.

 

Coupures budgétaires en éducation

Les 15 millions$ ne seront évidemment pas versés entièrement pour la compensation des stagiaires finissant.es en enseignement. Ils seront amputés de dépenses bureaucratiques et administratives. Nous devons aussi insister sur le fait que, en plus des sommes enlevées que nous venons de mentionner, il s’agit d’un 15 millions$ fixe jusqu’en 2023 qui ne tient pas compte du nombre de stagiaires qui en bénéficieront ni de l’inflation durant cette période alors qu’avec un statut de travailleur.euse et une rémunération, le salaire augmenterait et pourrait suivre, dans une moindre mesure, le coût de la vie. De plus, il faut rappeler que dans le présent budget, les CÉGEPS se voient accorder un budget risible de 5M$ pour l’année. Or, les étudiant.e.s en techniques représente pratiquement 50%¹ des inscriptions au collégial. La très grande majorité de ces étudiant.e.s doivent effectué.e.s des stages non rémunérés. Il est donc primordial d’être solidaire avec ces dernier.ères dans la lutte pour la rémunération des stages!

 

Travail gratuit de stagiaires qui finance la compensation en éducation

Il ne faut pas se leurrer. Si un club sélect de stagiaires a droit à une compensation financière pour leurs stages finaux, ce sera au détriment d’une majorité de stagiaires qui fournissent du travail gratuit telles que les infirmières, travailleuses sociales, sages-femmes, éducatrices à la petite enfance, etc. En effet, si une compensation financière est possible pour le stage final en éducation, c’est en partie grâce aux coupures budgétaires des années antérieures dans les services publics. Il est donc important de réaffirmer notre solidarité envers elles et eux par principe d’équité et de dénoncer leur instrumentalisation à des fins électoralistes.

 


  1. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/politiques_orientations/Rapport_annuel_de_gestion_MEES-2016-2017.pdf